f. 1rÀ Paris 23 Dec. 1750

Sans les occupations qui m'accablent, mon cher monsieur, je vous aurois ecrit il y a plus d'un mois pour savoir des nouvelles de votre santé, dont je suis inquiet. Votre lettre ne m'a pas tiré d'inquietude ; mais j'approuve fort le parti que vous avez pris de voyager en Provence, je n'ay rien a vous demander pour ce pays là, sinon que vous y ayez grand soin de votre santé, qui est si chere à vos amis, et a moy en particulier.

Je viens de vous parler des occupations qui m'accablent, & j'en ay effectivement plus que la charge d'un honnête homme. Mais je vais enfin respirer, et depuis deux jours même je me trouve presque desœuvré, parce que j'ay moins à faire.

Le second volume de l'Encyclopédie, que nous allons donner, n'a pas laissé de m'occuper, mais cette besogne auroit eté mediocre si elle avoit eté seule. Je suis charmé du bien que vous m'en dites, j'aurois bien voulu avoir vos remarques pour f. 1v en profiter, mais je compte que cela n'est que differé. J'auray soin de vous faire envoyer les six exemplaires du second volume, dez qu'ils paroitront, ce sera vers le 15 de janvier au plus tard. Une indisposition de M^r. Diderot, & un almanach très considerable qui s'impriment chez l'imprimeur de l'Encyclopedie sont cause de ce petit retardement. Nous donnerons très exactement les volumes à tems ; nous essuyons bien des tracasseries de la part des devots & des pedans, mais il faut les laisser dire et aller son train. Je compte que cet ouvrage ira toujours en augmentant de merite, le second volume vaut mieux que le 1^ier ; et le 3^e. vaudra mieux que le second.

Je ne crois pas que les libraires impriment à part la preface ; ainsi M. Saladin ne pourra l'avoir qu'avec le livre. Je lui en ferai l'emplette sil le veut, & je crois qu'il ne s'en repentira f. 2r pas, surtout quand l'ouvrage sera tout achevé. J'avois encore si je ne me trompe 19^lt 12s à vous, c'est donc 169^lt 12s que j'ay à present & dont je vous rendrai compte.

Mon ouvrage sur la resistance des fluides va paroitre. Ce que j'ay lu à l'academie est l'extrait de la preface, et a eté gouté au dela de toutes mes esperances.

J'imprime aussi des Elemens de musique ou de composition sur les principes de Rameau : c'est une Espece de rudiment, fo[rt] clair, et qui paroitra dans six semaines au plus tard. A Dieu, mon cher monsieur, je voudrois bien que M^r. Folkes vous eut pour successeur, & je parlerai pour vous à mes amis. Mais tout se fait chez nous par cabale, comme ailleurs, je suis seulement faché de n'avoir point de voix à votre service. Je vous embrasse de tout mon cœur, & seray votre serviteur & votre ami l'année prochaine comme les autres.

f. 2vA Monsieur
Monsieur Cramer professeur de Philosophie
a Geneve