Ce seroit comme vous le dites un furieux travail que de comparer les mouvems. de la Lune avec les variations de la boussole : & je presume qu'il seroit assés inutile, parce que les déclin. et incl. de l'aiguille changent, mais très lentement d'année en année, ce qu'on ne remarque pas du mouvem. de la lune : sans com[pter] que les variations de l'aiguîlle aimantée ne nous sont encore connues que bien imparfaitement, en sorte que s'il y avoit quelque rap[port] entre ces deux Phenomenes, je pense qu'il seroit plus facile de connoitre les mouvems. de l'aiguille par ceux de la Lune, que les mouvems. de la Lune par ceux de l'aiguille. De quelque façon que cela fut, celui qui trouveroit ce raport, nous donneroit tout a la fois deux connoissances fort utiles. Mais c'est assés vous ennuier sur un sujet sur lequel je ne fais que balbutier, & sur lequel mes reflexions vous paroissent peut etre bien ridicules.

Je continue à repondre à votre lettre. J'ai lû l'histoire des Sarasins traduite de l'anglois. Elle est fort curieuse, parce qu'elle nous raconte des choses vraies, & assés ignorées. Les plus beaux morceaux de l'histoire sont les grandes revolutions, la chute & l'etablissement d'un grand Empire. Les circonstances exterieures, naissance, richesse, place, &c. qui dans un etat tranquille ont tant d'influence, cessent d'en avoir dans ces moments  : on revient presque à l'égalité primitive, & chacun trouve a se faire valoir selon son merite personnel. De là cette foule de grands hommes, ou de grands scelerats, & cette multitude de grandes actions bonnes ou mauvaises qui rendent l'histoire brillante. Il y en a de ce genre dans l'hist des Sarasins moins pourtant que je n'aurois crû. Ces arabes etoient de terribles gens, & rien ne prouve mieux que leurs conquetes quelle est la force de l'enthousiasme & du fanatisme. Il est plus difficile de comprendre ce qui la leur avoit inspirée.

Je voudrois bien voir la vie de Mahomet ecrite fidelement & judicieusement par un bon Philosophe.