Manuscrit autographe (Bibliothèque de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, Ms. 266, vol. II, f. 142)

LETTRE 55.03   |   [30 janvier 1755]
D'Alembert (Paris) à Societe Royale de Lyon (Lyon)

Folio :

Lettre de M. D'alembert à la société Royale.

Messieurs

J'apprends de tous côtés par differentes lettres, qu'un regent de Rhetorique dont le nom se trouve ecrit parmi les vôtres, a prononcé contre moy le 30 novembre dernier au college des Jesuites de cette ville une harangue très injurieuse. Je ne puis croire, Messieurs, que si ce fait etoit vrai, une compagnie aussi équitable & aussi éclairée que la vôtre eût pu garder à cet egard un si long et si profond silence ; neanmoins la nouvelle me revient d'un si grand nombre d'endroits que je ne scais plus qu'en penser. La philosophie m'a appris depuis longtems à mettre à des invectives le prix qu'elles meritent ; mais l'honneur des lettres, de l'Encyclopedie, de ceux qui veulent bien y concourir avec moi, des differentes compagnies litteraires dont j'ai l'honneur d'etre membre, et j'ose ajouter de la vôtre, Messieurs, ne me permet pas d'etre indifferent sur les outrages publics d'un de vos confreres. J'ose donc esperer de votre Equité et de vos lumiéres, ou que vous voudrez bien me faire justice publique sur ce sujet de la maniere que vous jugeréz le plus convenable, ou que ceux d'entre vous qui ont assisté à cette harangue, voudront bien me faire parvenir un ecrit signé d'eux tous, et que je puisse rendre public, par lequel ils déclareront que cette harangue telle qu'elle a eté prononcée, ne contenoit rien d'offensant ni d'injurieux. C'est un service important qu'ils rendront à l'auteur, encore plus qu'à moi.