Sélection de lettres
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    [Kehl] | |||||
Voltaire, Œuvres complètes (70 vol., Kehl, 1784-1789), LXVIII, p. 10-11
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    [Best D5832] (affichée) | |||||
Œuvres complètes de Voltaire, vol. 85-135 ; Correspondence and related documents, Oxford, Voltaire Foundation, 1968-1977, D5832, p. 152-153
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    [Pleiade] | |||||
Voltaire, Correspondance, édition Théodore Besterman, additions et corrections par Frédéric Deloffre, Paris, Gallimard, 13 vol., 1977-1993 (Bibliothèque de la Pléiade), IV, 3788, p. 180-181
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Voltaire (Colmar) à D'Alembert (Paris)
p. 152J'ai obéi comme j'ai pu à vos ordres ; je n'ai ni le temps, ni les connaissances, ni la santé qu'il faudrait pour travailler comme je voudrais : je ne vous présente ces essais que comme des matériaux que vous arrangerez à votre gré dans l'édifice immortel que vous élevez. Ajoutez, retranchez, je vous donne mes cailloux pour fourrer dans quelques coins de mur. J'ose croire que tous les sujets in medio positi, qui sont si connus, si rebattus, sur lesquels il y a si peu de doutes, sur lesquels on a fait tant de volumes, doivent être, par ces raisons là même, traités un peu sommairement. On pourrait faire un in-folio sur ce seul mot Littérature. Si vous voulez que je parle des littérateurs italiens et espagnols, il faut donc que je m'étende sur les français ; il faudrait encore que j'eusse des livres espagnols et italiens, et je n'en ai pas un.
Muratori, outre ses immenses collections historiques, a écrit de la perfection de la poésie italienne ; il a fait des observations sur Pétrarque. L'Histoire de la poésie italienne, par Crescembeni, m'a paru un ouvrage assez instructif. J'ai lu le comte Orsi, qui a justifié le Tasse contre le père Bouhours : son livre est plus rempli, à ce qu'il m'a paru, d'érudition que de bon goût. Gravina m'a paru écrire sur la tragédie comme Dacier, et il a fait en conséquence des tragédies comme Dacier, aidé de sa femme, les aurait faites. Cette espèce de littérature commença, je crois, du temps de Castelvetro ; ensuite vint Jules Scaliger, mais qui n'a écrit qu'en latin. Si vous croyez devoir faire entrer ces rocailles dans votre grand temple, il n'y a point à Paris d'aide à maçon qui n'en sache plus que moi, et qui ne vous serve mieux. D'ailleurs, ne suffit il pas, dans un dictionnaire, de définir, d'expliquer, de donner quelques exemples ? faut il discuter les ouvrages de tous ceux qui ont écrit sur la matière dont on parle ?
A l'égard des Espagnols, je ne connais que Don Quichotte et Antonio de Solis. Je ne sais pas assez l'espagnol pour avoir lu d'autres livres, pas même le Château de l'âme, de sainte Thérèse.
A propos d'âme, j'avais pris la liberté d'envoyer à une certaine personne un petit mot sur l'âme, non pas pour qu'on en fit usage, mais seulement pour montrer que je m'étais intéressé à l'Encyclopédie.
Il est bien douloureux que des philosophes soient obligés d'être théologiens. Ah ! tâchez, quand vous en serez au mot de Pensée, de dire au moins que les docteurs ne savent pas plus comment ils font des pensées, qu'ils ne savent comment ils font des enfants : ne manquez pas au mot deRésurrection de vous p. 153 souvenir que St François Xavier ressuscita onze personnes de compte fait ; mais à Clavecin, vous n'oublierez pas, sans doute, le clavecin oculaire.
Adieu, Monsieur ; je crains d'abuser de votre temps ; vous devez être accablé de travail. Mille compliments à votre compagnon. Adieu, Atlas et Hercule, qui portez le monde sur vos épaules.
54.05  |  [mai-juin 1754]
Voltaire à D'Alembert
54.14  |  30 juillet [1754]
Voltaire à D'Alembert