Sélection de lettres
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    [Imprimé 1865] (affichée) | |||||
Correspondance complète de la marquise du Deffand avec ses amis, éd. M. [Adolphe] de Lescure, Paris, Henri Plon, 1865, p. 182-183
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D'Alembert (Paris) à Du Deffand (Vichy Chamron) Mme (Nanteau)
p. 182Paris, 21 octobre 1753.
Premièrement, madame, vous avez tort de vous fâcher contre moi, car je n'ai point tort ; la liste des postes m'a trompé : elle dit que le courrier de Nemours part le vendredi à minuit, et je vous ai écrit le vendredi matin. J'aurais bien voulu partir le vendredi matin, mais quelques affaires retiennent Duché à Paris ; nous partirons donc jeudi, et nous serons au Boulay dimanche ou lundi prochain, pour y passer toute la semaine.
Je me suis arrangé avec mes imprimeurs pour qu'ils puissent se passer de moi pendant huit jours, et les quatre fêtes me donnent encore quatre jours de plus. Il faut avoir autant d'envie que j'en ai de vous voir, pour quitter la solitude où je vis, et où je suis l'homme du monde le plus heureux. Les convalescences de l'âme sont comme celles du corps : on en sent bien mieux le prix que celui de la santé. Je ne sais pas comment sont les chats dans la classe desquels vous me faites l'honneur de me ranger : mais je les plains beaucoup s'ils souffrent autant que j'ai souffert. Je suis bien aise de vous dire, par parenthèse, que tout autant de fois que vous m'appellerez chat moral, c'est tout autant de droits que vous faites acquérir a mademoiselle Rousseau, que vous avez prise si fort en aversion ; franchement je vous aime à la folie, demandez plutôt à Duché : je meurs d'envie de vous revoir, et je ne verrai guère, cet hiver, que vous et l'abbé de Canaye. C'est dommage que votre diable de p. 183 Saint-Joseph soit si loin : enfin nous ferons comme nous pourrons. J'espère voir Quesnay à Fontainebleau, et je vous rendrai compte de notre entretien.
Que diable avez-vous donc écrit au président sur mon compte ? Est-ce encore pour l'Académie ? Eh ! au nom de Dieu ! laissez tout cela en repos ; j'en serai si on m'en met : voilà tout. Puisque je suis déjà d'une académie, c'est un petit agrément de plus que d'être des autres : mais si j'avais mon expérience, et quinze ans de moins, je vous réponds que je ne serais d'aucune. Adieu, madame, comptez pour toute l'éternité sur mon tendre et respectueux attachement. Je vous manderai, en partant pour Fontainebleau, le jour précis de notre arrivée au Boulay.
53.20  |  19 octobre [1753]
D'Alembert à Du Deffand (Vichy Chamron) Mme
53.21  |  21 octobre 1753
D'Alembert à Du Deffand (Vichy Chamron) Mme