Les Œuvres complètes de D'Alembert (1717-1783)

Série V | Correspondance générale

Sélection de lettres

LETTRE 46.05   |   15 juin 1746
D'Alembert (Paris) à Adhemar (Luneville)

Version affichée :

f. 1rJe sens, mon cher amy, que j'ay grand tort avec vous, d'avoir eté si long tems sans repondre à votre dernière lettre : mais j'ay en recompense & pour vous consoler une bonne nouvelle a vous apprendre : c'est que je viens de remporter le prix de l'academie de Berlin, qui est une medaille de 50 ducats ou 550 [livres tournois] & que le jour de l'assemblée publique de cette academie qui etoit le deux de ce mois, j'ay eté recu tout d'une voix parmy ses associés etrangers. Maupertuis me mande de faire un extrait de ma pièce qu'il puisse faire lire au Roy de Prusse. Je l'ay fait, & je le luy vas envoyer. Le sujet etoit : quelle est l'action du soleil et de la Lune sur l'air, & quels sont les vents qui peuvent en resulter. Mais il y a quelque chose de plus : j'avois mis à la tête de ma pièce trois vers latins, que j'avois faits, dont le sens etoit : ainsy je determinois les loyx des vents ; lorsque frederic plus promt que les ailes des vents, disperse des ennemis qui fuyent f. 1v devant luy, & que ; couronné de laurier, il montre à l'univers le rameau d'olivier. Maupertuis veut que je mette ces vers en Vers francois, & que je les paraphrase. Vous allés me rire au nés quand je vous diray que j'y travaille : mais vous ne rirés peut etre plus quand vous les verrés. Me voila deja vain comme un Poëte. Je n'en suis pas cependant encore parfaitement content, parceque c'est une besogne fort vetilleuse : je vous les envoyeray quand je ne voudray ou que je ne pourray plus y rien faire. A Dieu, bonjour, je me hâte de vous mander, comme vous voyés, les nouvelles qui m'interessent parceque vous etes surement un de ceux a qui elles font le plus de plaisir.

Je n'ay changé dans votre placet que la derniere Phrase : nous avons oté, les mots cependant, et quoyque qui commencent cette phrase; & f. 2r au lieu de ; il n'a pu encore parvenir à obtenir un avancement qu'il s'etoit efforcé de meriter, nous avons mis de concert l'abbé de Bernis & moy: il ose esperer que votre majeste voudra bien luy accorder une grace qu'il s'efforcera de plus en plus de meriter. Voilà le roy de retour. Je verray l'abbé pour savoir ce qu'il aura dit & fait, & je luy diray de vous le mander.

D'alembert

ce 15 juin 1746

f. 2vA Monsieur
Monsieur le Marquis d'Adhemar, capitaine de cavalerie au regiment d'Hudicourt a Luneville