Sélection de lettres
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    [Manuscrit autographe] (affichée) | |||||
Catalogue d’autographes Charavay-Castaing,
février 1992, n ̊43148
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D'Alembert (Paris) à Gueroult d'Herten
La date est donnée identiquement par tous les catalogues de vente..
f. 0r[...] Je vous remercie du détail que vous m'avez envoyé de la bataille de Rocoux ; je l'ai eu un des premiers et j'en ai fait part à bien des gens [...] J'espère que dans 15 jours mon ouvrage sera imprimé ; il sera de plus de 300 pages. Je viens de recevoir de Berlin une lettre de change de 522 livres 30 sols pour l'argent de mon prix ; j'ai reçu en même temps une lettre magnifique d'Euler dans laquelle il avoue que j'ai eu raison contre lui et à l'égard de mes différents avec Dan. Bernouilli, il me promet de les examiner. J'avais écrit au roi de Prusse pour lui demander la permission de lui dédier mon ouvrage. Il m'a fait l'honneur de me répondre par une lettre fort polie et signée de sa main. Voici la lettre que j'avais écrite : « Sire, l'amour de Votre Majesté pour les lettres et les bontés dont elle comble ceux qui les cultivent, me font espérer qu'elle voudra bien me permettre de lui dédier ma dissertation sur les vents, que l'Académie Royale des sciences de Berlin vient d'honorer du prix. Quelque flatté que je sois, Sire du suffrage de cet illustre corps, la protection d'un prince aussi éclairé que Frédéric le Grand, et d'un monarque aussi admiré dans toute l'Europe, me toucherait infiniement davantage et j'avouerai, Sire, que le principal motif qui m'a animé et soutenu dans mon travail, a été le désir que j'avais de le rendre digne de vous. Si Votre Majesté, sensible à mes efforts, veut bien m'accorder la permission de faire paraitre mon ouvrage sous ses auspices, je regarderai cette grâce comme le plus précieux avantage, et comme la récompense la plus glorieuse. Je suis, etc. ».
Réponse du Roi : « Je suis bien sensible, Monsieur, à l'attention que vous me marquez en faisant paraître sous mes auspices votre dissertation sur la cause des vents ; je suis persuadé que cet ouvrage, qui vous a mérité le prix de mon Académie des Sciences de Berlin, sera également couronné par les suffrages du public. Vous pouvez compter sur tous les miens, je vous les donne avec grand plaisir, je n'y verrais de préférable que la satisfaction de vous en faire ici le compliment à vous-même. Sur ce je prie Dieu, qu'il vous ait, Monsieur, en sa sainte et digne garde. Fait à Potsdam, le 24 septembre 1746. Frédéric ».
Les dernieres lignes de cette lettre, sont, comme vous le voyés, une espece d'invitation. Mais Maupertuis m'a fait si grand peur du climat de ce pays là, que je n'ose pas y aller, d'ailleurs je ne suis pas assés sur d'y avoir tous les agremens que je pourrois desirer. J'ay donc ecrit à Maupertuis une lettre ou je luy ay exposé les raisons qui font que je ne puis aller à Berlin. Et j'ay en meme tems fait au roy la reponse generale que voici : Sire, la lettre dont votre majesté vient de m'honorer, est ce qui pouvoit m'arriver de plus flatteur. Je recois avec une vive reconnoissance la permission qu elle veut bien m'accorder de mettre son auguste nom à la tête de mon ouvrage, et j'espere qu il sera bientot en etat de luy etre presenté. Je souhaiterois Sire, qu il fut plus digne du suffrage que votre majesté daigne luy accorder : Il ne pourroit etre que tres glorieux pour moy de recueillir ce precieux suffrage de sa propre bouche. Ma situation ne me permet pas d'y pretendre. Mais si j'avois le bonheur d'approcher un aussy grand monarque, je serois principalement [...] à l'avantage d'admirer de plus près ses rares vertus. Je suis &c.
Il me reste mon cher amy, a vous entretenir de mon Epitre dedicatoire que tous ceux à qui je l'ay lu, trouvent tres flatteuse pour le Roy, et en meme tems tres noble & tres Philosophique. J'ay a vous parler aussy des vignettes que je fais graver en son honneur. Mais comme le papier me manque, ce sera pour une autre lettre. J'ay des complimens à vous faire de Mr. & Me. Rousseau, de Texier, de Raussain, et de Fromentin. Adieu, portés vous bien, divertissés vous de votre mieux, et m'aimés toujours.
Dalembert