f. 1rVos trois bêtes seront mangées, Madame, ce soir & demain. Pourquoy les trois quarts de nos beaux esprits ne leur ressemblent-ils pas ? on en dineroit et il n'en seroit plus parlé. Buffon ne m'a point demandé de secret, ainsi Helvetius peut entreprendre de le confondre, s'il juge à propos : mais j'ay bien peur pour Helvetius qu'apres toute cette tracasserie, je ne lui connoisse une bonne qualité de plus, celle de nier les propos qu'il a tenus. Apres tout, ses discours & sa maniere de penser m'interessent peu : qu'il nous dechire, mais qu'il nous eclaire, voilà ce que nous attendons. Quand son ouvrage aura f. 1v paru, je diray à Diderot ce que j'en pense, Diderot le redira à Buffon, Buffon le redira a Helvetius, Helvetius le redira a Saurin, Saurin le redira à Madame de Crequi, Madame de Crequi me le redira, et je rediray à Madame de Crequi que cela est vray. Voila une Genealogie qui vaut celle de Rabelais ou de S^t. Matthieu ; en verité quand on a 60000^lt de rente, M^elle. de Ligneville pour femme, Du Marsais pour convive & pour pensionnaire, l'estime de la Reine, et peut etre celle de M^r. f. 2r de Chalmazel, on devroit etre bien tranquille sur l'existence d'un pauvre diable de la rüe Michel le Comte, qui mange en paix ses 1700^lt de rente & les perdrix que vous luy envoyez. Je feray mon possible pour aller voir Rousseau aujourd'huy, sinon demain.

f. 2vA Madame
Madame la marquise de Crequy
a Paris