Sélection de lettres
|
|||||
    [Manuscrit autographe] (affichée) | |||||
Genève, collection hoirie J.-Fr. Chaponnière
|
|||||
    [Imprimé 1799] | |||||
Œuvres posthumes de D'Alembert, tome premier, Charles Pougens, Paris, 1799, p. 176-179
|
|||||
    [Imprimé 1821-1822] | |||||
Œuvres de D'Alembert, Paris, Martin BOssange & fils, A. Belin impr., 5 vol., 1821-1822, p. 335
|
|||||
    [Imprimé 1865] (pdf) | |||||
Correspondance complète de la marquise du Deffand avec ses amis, éd. M. [Adolphe] de Lescure, Paris, Henri Plon, 1865, p. 163-164
|
D'Alembert (Paris) à Du Deffand (Vichy Chamron) Mme (Mâcon)
f. 30r27 janvier 1753
Je suis, madame, d'autant plus sensible a votre suffrage, qu'en verité je desirois ardemment de l'obtenir. Votre approbation me flatte infiniment parceque je vous connois un goût très sur & très juste ; je n'ay pas attendu pour vous le dire que je fisse des livres et que vous les trouvassiés bons ; vous me rendez justice en ne trouvant dans mon ouvrage ni malice ny satire, tout le monde ici n'en pense pas de même ; on m'assure que les Bissy, Brancas, &c. &c. &c. &c. &c. &c. crient beaucoup contre moy, ils me feroient beaucoup d'honneur de ne pas plus penser à moi que je n'ay pensé a eux : mais que m'importe, puisque vis à vis de moi même je n'ai rien à me reprocher ?
Je ne scai si j'aurois bien fait de mettre l'Essai sur les gens de lettres en portraits & en maximes, comme vous le voulez. Outre que nous avons deja bien des livres en ce genre, on auroit encore bien plus pensé a faire des applications : cette forme n'auroit d'ailleurs convenu ny au ton que je voulois prendre dans cet ouvrage, ni a la liaison que je voulois mettre dans les idées, f. 30v & il me semble (si j'en crois du moins tous ceux qui m'en parlent) que ce ton et cette liaison rendent le morceau plus interessant encore à une seconde lecture.
Les Pedans disent le plus de mal qu'ils peuvent de ma traduction de Tacite, mais je puis vous repondre que leurs critiques ne m'effrayent pas, et je voudrois bien les voir à pareille besogne. Je ne crois pas que l'original perde beaucoup à ma traduction, mais j'avoüe de bonne foy que je le crois du moins aussi beau. Je pense exactement de Tacite ce que j'en ai dit dans mon avertissement, que je vous prie de lire, si vous ne l'avez pas fait. Quel homme que ce Tacite ! demandez plutôt à Formont. A propos de lui, je serois bien aise de savoir son avis sur mes deux volumes. Si vous relisés le 1er vous trouverés dans l'Eloge de Bernoulli des additions que je crois assez interessantes.
Je viens d'avoir mes entrées à la Comedie francoise. C'est une galanterie que Mlle Cleron m'a faite sur la lecture de mon livre : car je ne la connoissois que pour luy avoir parlé une fois dans sa loge. La Tour a voulu absolument faire mon portrait, et je serai au sallon de cette année avec la Chaussée, qu il a peint aussy, et un des bouffons Italiens ; je serai la en gaye et triste compagnie.
f. 31rJ'ai deja eu l'honneur de vous mander que vous pouviez garder mes lettres, et les faire lire à Formont, mais à lui seul. Tres peu de personnes les ont vües, et vous seule en avez copie. C'est de tout ce que j'ay fait en ma vie, la seule chose que je desire qui subsiste quand je ne serai plus.
Je vis ces jours passés à l'opera, M. de la Croix qui me donna des nouvelles de votre santé, et avec qui je parlay beaucoup de vous. Il dit que vous vous couchez fort tard : ce n'est pas la le moyen de diner quand vous serez à Paris. Au surplus je crois que vous vous porterez bien quelque genre de vie que vous suiviés, pourvu que vous vous observiez sur le manger ; car, comme dit Vernage, il ne faut point trop manger. A pro[pos] quel compliment faut il vous faire sur la mort de madame la Duchesse du Maine ? Voila le moment d'imprimer les memoires de Made. de. Staal. à Dieu, madame, soyez persuadée du tendre attachement que je vous ai voüé pour toute ma vie.
à Paris 27 janv. 1753
f. 31vA Madame
Madame la marquise du deffand, à l'Evêché
a Macon