Sélection de lettres
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    [Manuscrit autographe] (affichée) | |||||
Berlin-Dahlem GSA, BPH, Rep. 92, Prades C3, f. 3-4
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    [Preuss] | |||||
Œuvres de Frédéric le Grand, éd. J.D.E. Preuss, Berlin, Imprimerie royale, 33 vol., 1846-1857, éd. in-4°, p. 304-305 ; éd. in-8°, p. 271-272
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D'Alembert (Paris) à Prades (Berlin)
f. 3rJ'ay recu, mon cher abbé, votre lettre, & j'ai deja touché en conséquence les six premiers mois de la seconde année qui viennent d'echoir le 1er. du courant ; on ne peut être plus reconnaissant que je le suis des bontéz du Roy, et plus decidé à lui tenir le plutot qu'il me sera possible la parole que je lui ai donnée ; ce pourroit bien être dès l'année prochaine, s'il n'y a point de guerre, & que le 6e vol. de l'Encyclopedie soit assez tôt fini, comme je l'espère. Vous ne m'avez point mandé si le Roi avait lû l'Eloge de Mr de Montesquieu, & s'il etoit content de la manière dont j'y parle de lui : s'il ne l'etoit pas j'aurois bien joué de malheur ; Il est impossible de lui être plus attaché que je le suis, et il ne tient pas à moi que toute l'Europe ne soit instruite de mes sentimens. Mettez moi je vous f. 3v prie à ses pieds le plus souvent que vous le pourrez. Si je ne me trouve point assez d'argent pour aller le voir au premier moment que j'auray, je luy ferai demander sans facon la somme necessaire pour le voyage, & sil me remboursoit même mon voyage de Wesel, ce seroit probablement le seul que je lui couterois, cet argent seroit mis à part pour le voyage de Berlin. Je me suis informé de ce que vous me mandez au sujet des tableaux, & quand il y en aura de très beaux à vendre, M. Mettra en sera informé sur le champ. Made. Geoffrin qui est de mes amies a un tres beau tableau de Venlo, que Mr. de Kniphausen connoit, et j'ai entrevû qu'elle ne seroit pas éloignée de s'en defaire, mais elle demanderoit f. 4r à ce que je crois un prix fort cher ; au reste ce tableau est le plus beau que Venlo ait fait.
Que dites vous de l'insolence des anglois & de notre patience plus que chretienne ? nous ferons mentir la beatitude, Bienheureux ceux qui sont doux ; car avec cette douceur-là nous ne possederons pas la terre. Heureusement le malheur de Lisbonne leur a donné furieusement sur les oreilles. Il faut voir ce que cela deviendra. Bonjour mon cher abbé, je vous embrasse de tout mon cœur, mille complimens au marquis d'Argens.
A Paris ce 10 Dec. 1755
f. 4vA Monsieur
Monsieur l'abbé de
Prades, Lecteur de S. M.
le roi de Prusse
à Potzdam