f. 1rMonsieur

J'ay recu le projet que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. Je doute qu'il soit gouté, ni par les libraires, ni par les auteurs de l'Encyclopédie, il ne peut que faire tomber (sil est bien executé) un ouvrage auquel vous avez travaillé ; ce procedé ne me paroit pas digne de votre manière de penser, je vous exhorte à y songer plus murement. Que seroit-ce, si cet abregé n'avoit point le succès que vous en attendez ?

Je n'ai jamais eu intention de desobliger M. Euler, je veux seulement me défendre, et je ne puis croire f. 1v qu'il veuille m'oter ce droit. Je vais ecrire à M. de Maupertuis sur ce ton, & sans vous designer ni vous compromettre, je lui manderai que je remets à M. Euler la liberté de supprimer de mon memoire ce qu'il croit lui etre injurieux ; il me semble qu'il y sera bien embarassé. Je ne veux rien avoir à me reprocher avec lui. Je dois le voir un jour, & peut etre bientôt à Berlin, & je voudrois le voir de bon œil.

M. de Premontval se plaint que j'ay mal parlé de son diogene de D'alembert. Je vous prie de lui dire que je ne l'ai pas lu, & qu'ainsi je n'en ay pu dire ny bien ny mal, qu'au reste il me fait beaucoup d'honneur. J'ai celui d'etre avec la plus parfaite consideration

Monsieur
Votre tres humble et tres obeissant serviteur

D'alembert

à Paris ce 13 fevrier 1756