Les Œuvres complètes de D'Alembert (1717-1783)

Série V | Correspondance générale

Sélection de lettres

LETTRE 80.31   |   29 juin 1780
D'Alembert (Paris) à Rochefort d'Ally Jacques

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f. 1rÀ Paris ce 29 juin 1780

Vous ne serez surement pas fâché, mon cher ami, de lire ce petit pamphlet, dont j'ai reçu quelques exemplaires de Berlin. Je ne previens pas les reflexions qu'il vous fera naître.

Je suis vraiment touché de l'affliction profonde où vous me paroissez toujours être ; mais elle est si juste, que je n'y vois que le remede d'Horace.

Duram, sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas.

Occupez vous de votre enfant, puisque c'est le seul veritable objet d'interêt qui vous reste. Faites en un honnête homme, & ensuite tout ce que vous pourrez de mieux.

Ma santé est passable, mais j'ai de legeres atteintes de gravelle, qui m'ont empêché d'entreprendre cette année le voyage de Berlin, malgré le desir et le besoin que j'en f. 1v avois. On m'assure qu'avec du regime et du repos, elles n'auront pas de suite fâcheuse, & en effet je suis mieux en ce moment.

Je ne sais si on retouche ou retouchera l'Encyclopédie ; elle en a surement grand besoin, malgré sa reputation et son succès ; mais je ne m'en melerai pas. Paresse et Tranquillité, voilà desormais ma devise necessaire.

Vos reflexions sur les lettres de Rousseau & sur Roucher sont très justes. Je crois que le 1er. est mort d'orgueil, et je crois que le second mourra d'amour propre et de vanité, au Poëtique et au civil.

Vous avez du être content de l'Eloge de Voltaire par la Harpe. Il me paroît avoir très bien reussi, quoiqu'il fût de lui ; ce qui n'etoit pas un petit obstacle au succès.

f. 2rLe Prospectus de l'Edition de Voltaire ne paroît pas encore ; on dit qu'elle sera très magnifique, & assez riche en nouveautés. Adieu, mon cher ami, je vous embrasse tendrement. Portez vous bien, et aimez moi toujours.

D'alembert

N.B. C'etoit moi qui avoît proposé ce service au Roi de Prusse, et envoyé pour cela les pièces justificatives. Le Roi n'a pas mieux demandé. Il m'ecrivoit il y a un mois. Quoique j'en aye guere d'idee de ce que c'est qu'une ame immortelle, je vous promets qu'on dira une messe solennelle chez moi pour celle de Voltaire. Ceci entre nous.