Les Œuvres complètes de D'Alembert (1717-1783)
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Extrait des Mémoires secrets (dits de Bachaumont)

pour cette année, en fait : Moufle d'Angerville
t. 25, p. 247-248, 21 avril 1784
(relatant la séance publique de l'Académie des sciences)

(...) Il auroit été fait part au public de plusieurs autres mémoires intéressants, si le restant de la séance n'eût été destiné à l'éloge de M. d'Alembert. M. Houdon, dont le ciseau paroît plus particuliérement consacré à perpétuer l'image des hommes célebres, a fait présent à l'académie du buste du défunt. On venoit de le placer, & c'est devant cette image que M. de Condorcet a fait fumer son encens.

Quoique le panégyriste eût déjà ébauché deux fois l'éloge de M. d'Alembert, il n'a pas craint de se répéter en un sujet où il se complaisoit si fort, & s'est donné carriere pendant plus d'une heure. Il a très-noblement traité l'anecdote de sa naissance ; il a observé que les grands hommes n'avoient pas besoin d'aïeux pour être illustres, ni de postérité pour perpétuer leur mémoire immortalisée par leurs ouvrages. A l'égard de ceux-ci, il s'est étendu principalement, ainsi que l'exigeoit la circonstance sur les scientifiques. Il a cependant encore trop exalté en M. d'Alembert l'homme de lettres. En faisant un éloge pompeux du discours préliminaire de l'Encyclopédie, il n'a pas dissimulé la part qu'y avoit M. Diderot, & a osé le louer, quoiqu'il ne soit d'aucune académie. En définissant assez bien le caractere des éloges d'académiciens françois composés par son héros, il a eu l'adresse de les présenter sous un point de vue avantageux, & de les priser beaucoup plus qu'ils ne le méritent réellement.

Il n'a pas dissimulé les défauts personnels de M. d'Alembert ; il est convenu qu'il étoit aigre dans la dispute, dénigrant, exclusif ; mais il a encore adouci cet aveu, en disant que c'étoit en lui vivacité, franchise & zele. Cette tournure [248] de l'amitié fait d'autant plus d'honneur au panégyriste, qu'il essuyoit souvent des bourrasques de l'humeur de son maître, sur-tout durant les derniers mois de sa maladie, lorsqu'il l'accompagnoit aux Tuileries, & portoit le bourrelet pour asseoir moins douloureusement le philosophe souffrant ; car la vénération de l'illustre éleve le portoit jusqu'à lui rendre ce petit service.

On a cru que la tête de M. d'Alembert s'étoit affoiblie sur la fin ; on s'est trompé : il ne pouvoit plus s'occuper des hautes méditations qui l'avoient toujours agité ; mais il se livroit à la littérature ; il aimoit à en entendre parler dans son lit de mort, & il s'est endormi avec ces idées agréables.

M. de Condorcet n'a pas osé aller plus loin & s'étendre sur l'anecdote de l'enterrement, qui auroit nécessité de sa part une sortie trop vigoureuse contre les prêtres.

 
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