Les Œuvres complètes de D'Alembert (1717-1783)
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Discours prononcé par M. de Condorcet,
à la séance publique de l'Académie des sciences,
le 12 novembre 1783

Oeuvres de Condorcet, publiées par A. Condorcet O'Connor, Lieutenant-Général
et M. F. Arago, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences,
Paris, Firmin Didot, 1847-1849, t. I, p. 426-428

La mort nous a ravi M. D'Alembert, lorsque son génie, encore dans sa force, promettait à l'Europe savante de nouvelles lumières. Géomètre sublime, c'est à lui que notre siècle doit l'honneur d'avoir ajouté un nouveau calcul à ceux dont la découverte avait illustré le siècle dernier, et de nouvelles branches de la science du mouvement, aux théories qu'avait créés le génie de Galilée, d'Huyghens et de Newton.

Philosophe sage et profond, il a laissé dans le discours préliminaire de l'Encyclopédie, un monument pour lequel il n'avait point eu de modèle.

Ecrivain tantôt noble, énergique et rapide, tantôt ingénieux et piquant, suivant les sujets qu'il a traités, mais toujours plus précis, clair, plein d'idées, ses ouvrages instruisent la jeunesse et occupent d'une manière utile les loisirs de l'homme éclairé.

La franchise, l'amour de la vérité, le zèle pour les progrès des sciences et pour la défense des droits des hommes, formaient le fond de son caractère.

Une probité scrupuleuse, une bienfaisance éclairée, un désintéressement noble et sans faste, furent ses principales vertus. Les jeunes gens qui annonçaient des talents pour les sciences et pour les lettres, trouvaient en lui un appui, un guide, un modèle.

Ami tendre et courageux, les pleurs de l'amitié ont coulé sur sa tombe, au milieu des regrets des académiciens, de la France et de l'Europe. Il eut des ennemis pour que rien ne manquât à sa gloire; et l'on doit compter, parmi les honneurs qu'il a reçus, l'acharnement avec lequel il a été poursuivi, pendant sa vie et après sa mort, par ces hommes dont la haine se plait à choisir pour ses victimes le génie et la vertu.

Honoré par lui, dès ma jeunesse, d'une tendresse vraiment paternelle, personne, dans la perte commune, n'a plus à regretter que moi. Son génie vivra éternellement dans ses ouvrages ; il continuera longtemps d'instruire les hommes ; il reste tout entier pour les sciences et pour sa gloire : l'amitié seule a tout perdu.

La mort de M. D'Alembert avait été précédée de quelques semaines seulement par celle de M. Euler, génie puissant et inépuisable, qui, dans sa longue carrière, a parcouru toutes les parties des sciences mathématiques et reculé les bornes de toutes. Toujours original et profond, mais toujours élégant et clair, il a publié plus de quatre cents ouvrages, et il n'en est pas un seul qui ne renferme une vérité nouvelle, une découverte utile ou brillante. Privé de la vue, son activité, sa fécondité même, n'en avaient point été ralenties. La force singulière de son intelligence répara sans effort cette perte, qui, pour tout autre, eût été irréparable ; et la nature semblait l'avoir formé pour être à la fois un grand homme et un phénomène extraordinaire, pour étonner le monde autant que pour l'éclairer.

 
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