Lettre de Soufflot à Bollioud
f. 150rRepondue le 18 mars suiv.
Monsieur
Je n'ay appris que dimanche au soir les divisions de la societé royale, par un ami qui n'en est point, et ensuite par la lettre d'un autre qui en estoit. j'en ay été fort surpris, et j'ay pensé que si j'avois eté informé de la guerre, comme peutetre j'aurois du l'être, j'aurois pû travailler a la paix, surtout étant a portée de voir M. Dalembert, a l'occasion de qui les disputes s'étoient elevées.
J'avois sçu, le samedy en rentrant chez moy, qu'il m'avoit fait l'honeur de me venir voir dans l'apres midy ; je fus pour luy rendre visite le dimanche matin, et ne le trouvay pas ; mais je compris, par la lettre que je reçus le soir, quel pouvoit etre le sujet de sa visite.
Je me disposois a l'aller voir hier matin, et j'allois sortir lorsque M. de montucla entra chez moy. je luy demanday si il avoit des nouvelles de la societé royale, il me dit qu'il en avoit ajouta qu'il venoit en raisoner avec moy, et qu'il avoit a me parler de la part de M. dalembert.
alors, Monsieur, je me songay plus a sortir ; il fut étoné avec raison lorsque je luy apris que je n'avois suc que la veille f. 150v ce qui se passoit dans la societé royale, il le fut encore plus quand je lui lû mes lettres, et il vit clairement qu'il n'étoit pas informé de tout ; il m'aprit qu'on avoit écrit a Mr dalembert ; mais qu'il n'avoit pas plus lieu d'être satisfait de la maniere dont on luy avoit ecrit que de ce qui s'etoit passé avant.
apres avoir causé longtems sur tout cela avec M. de montucla, je le priai de faire reponse a la lettre qu'il avoit reçue de M. mathon, et de l'informer de la façon de penser [de] M. dalembert a l'egard du corps, parce qu'il la sait mieux que moy, estant a portée de les voir souvent. il me le promit, et je compte qu'il ecrira aujourduy.
pour moy, Monsieur, dans la parfaite ignorance ou j'etois, j'avois fait quelques demarches a l'egard de l'objet dont on m'avoit chargé ; je devois même, malgré mes affaires qui sont considerables et pressées, avoir cette semaine une conference avec une persone en place qui pouvoit me tracer des routes assez seures ; mais je m'arêste tout court ; je ne crois pas que l'on puisse [s'en] plaindre ; la demission de plusieurs membres essentiels f. 151r à notre corps la retraite de quelques autres, egalement essentiels, jusqu'a nouvel ordre ; m'authorisent a cesser toutes demarches jusqu'a ce que je sache plus en detail ce qui s'est passé et voye ce qui en arrivera.
quelle grace aurois je, d'ailleurs, a solliciter les moyens d'affermir un corps qui se desunit de luy même et se detruit avant d'être bien formé. je vois avec douleur que cela ne se scait que trop icy, et que l'on seroit bien fondé a rire de mes demandes, si j'en faisois, jusqu'a ce que vous m'ayez suggeré de bones raisons a dire, et de bones reponses a faire aux objections que je prevois. en les attendant, jay l'honeur d'être tres parfaitement
Monsieur
Votre tres humble
et tres obeissant serviteur
Soufflot
Paris le 11 mars 1755
en finissant votre lettre, j'en recois une de M. d'alemberg. je viens de luy envoyer demander si il jugeoit a propos que je vous l'envoyasse il le trouve bon, en consequence je vous l'adresse et vous prie de me la renvoyer dans votre reponse. je l'ay assuré en luy repondant du peu de credit que je crois avoir dans une compagnie qui m'a laissé ignorer tout ce qui s'y passoit, et du desir que j'aurois qu'il eut lieu d'être satisfait.