Lettre de Bollioud à Soufflot
f. 159rCopie de la lettre écritte en reponse à celle de M. Soufflot par M. Bollioud
On estoit disposé M. à vous informer des événemens qui se sont passés dans nos assemblées depuis votre départ, mais les difficultés qui en faisaient l'objet sont d'une nature à ne pouvoir guères s'écrire sans un détail dans lequels les ou les autres restent presque toûjours compromis. D'ailleurs, cela est arrivé si subitement que l'on n'auroit pû avoir assez tôt votre réponse pour prendre un parti en conséquence. On ne doutoit pas au reste que vous ne fussiés instruit de tout par nos confrères qui sont plus en rélation avec vous. Nous avons même appris que vous saviés tout avant que de partir d'ici, pendant que l'académie étoit dans l'ignorance entière de ce qui se passoit : & nous avons conclû que puisque vous ne nous en avés rien dit, vous ne prévoyés alors aucun moyen praticable d'arrêter le mal dans sa source, & qu'il ne convenoit pas de vous distraire de vos occupations pour vous entretenir de quelques contestations que le tems & les réflexions feront cesser.
Cependant, M. Comme vous vous addresés à moi, & que je voi dans votre lettre des marques de zéle & d'empressement pour les intérets de la société royale, je vais tâcher de vous apprendre ce qui s'est passé en votre absence. Je pars du tems où vous quittâtes lyon, car je vous crois au fait de ce qui précéde votre départ. Le 14e fevrier m. Goiffon mit sur le bureau de notre assemblée une lettre de vieille datte de M. d'Alembert par laquelle il se plaint d'avoir été insulté dans la harangue latine du P. Tolomas, & nous demande justice publique, ou un certificat signé de tous ceux de nous qui ont assisté à ce discours, par lequel ils déposeroient qu'il n'y ont rien trouvé d'offensant contre lui.
f. 159vNous ne pouvions faire ni l'un ni l'autre. Quant au premier article, vous savés ce que c'est qu'une exclusion de force, & combien elle est odieuse. Une assemblée libre telle qu'une société de savans n'a point droit de sévir avec rigueur contre ses membres que dans un cas de diffamation, & autres sujets d'une extrême importance.
Au surplus les 3 grands quarts de la compagnie n'ont nulle connoissance de la harangue en question, & nous ne pouvons en être juges compétens. D'ailleurs elle a été prononcée devant le Consultat, fondateur et protecteur des collèges, & la minute a été déposée entre les mains de M. le prévôt des marchds.
Eh ! nous conviendroit il de censurer, de vouloir seulement éxaminer un ouvrage que ces magistrats sont censés avoir aprouvé par leur présence, & leur attention, à nous dis je, qui sommes, comme vous savés, dans le cas de regarder à beaucoup d'égards ces messieurs comme nos bienfaiteurs ?
L'acade n'avoit donc d'autre parti à prendre que de repondre comme elle a fait par son ministère, de bonnes raisons à M. D'Alembert avec les formalités de politesse qui conviennent, de charger le P. Tolomas de lui écrire aussi pour se justifier. le religieux s'en est acquitté par une lettre d'excuse & de désaveu. Cependant malgré toutes ces précautions, & quelques autres lettres écrites par différentes personnes à M. D'alembert pour le satisfaire, trois de nos académiciens ordinaires & un associé, sans attendre l'effet de ces lettres nous ont donné leur démissions dont deux sont par écrit & cela pour une discussion qui nous est absolument étrangère, & parceque la compagnie a entrevû cette affaire d'un autre oeil que ces messieurs, & a cru qu'elle ne pouvoit entrer dans ce démêlé. Voilà le fond de la chose expliquée dans la f. 160r vérité. Nous regrettons certainement les confrères qui nous ont quittés. Je n'ai fait aucune mention de leur retraitte sur mon régîstre pour leur donner le tems de la réflection. Mais il ne faut pas néanmoins que cet incident vous fasse désespérer de l'acade. Les 26. confères qui vous restent M. Méritent que vous les comptiés pour vos amis, & pour de zélés académiciens. Ils vous estiment trop pour soubçonner que vous songiés à vous démentir sur les démarches dont vous vous êtes chargé. La Société royale touche à un nouvau dégré d'illustration. Nous n'avons essuyé quelques tempêtes que pour voir revenir le calme. Il se présente déja 4. ou 5 sujets pour la place de M. Christin. Si vous eûssiés été présent à l'orage vous auriés vû que la compagnie s'est comportée avec une prudence, une modération digne de l'aréopage. Tout le public de Lyon louë ses procédés. je sai que ce témoignage ne sera peut être pas d'un grand poids où vous êtes.
Mais quoiqu'il en soit, je me flatte de n'être pour rien dans cette contestation. personne ne desire plus ardemment la paix que moi. s'il vous vient quelque nouvel expédient pour tout accommoder, vous m'obligerés de me l'indiquer, & j'en ferai part en votre nom à la société Roy. Mais ce qui seroit encore mieux, Hâtés-vous de nous rejoindre. M. L'abbé Lacroix se porte pour médiateur, votre présence l'aideroit beaucoup. Nous espérons de vous voir faire l'ouverture de la séance publique prochaine. Elle sera le 18. avril. Vous y verrés que malgré les troubles le travail n'en est pas ralenti, & vous y retrouverés les mêmes sentimens dans vos confrères. Je suis, &c.
Envoyée le 18 mars 1755.
M. Soufflot de l'acad.e Royale d'Architecture place du vieux louvre chés M. Courtou.