Lettre de Bollioud au Duc de Villeroy
f. 163rCopie de la lettre écrite à M. Le Duc de Villeroy par le secrétaire de la société Roy. le 29. mars 1755.
Mgr.
Les bontés dont vous avés toujours honoré la société Roy. & l'intérêt que vous daîgnés prendre aux progrès de son établissement, l'encouragent à s'addresser à vous, comme à son chef & à son protecteur, pour vous instruire de quelques troubles élevés depuis peu dans ses assemblées au sujet d'une contestation qui auroit dû lui être absolument étrangère.
Le P. Tolomas jésuite membre de cette academie & régent de Rhétoriq. prononça au mois de 9bre dernier en présence du consulat une harangue latine à la rentrée des classes du grand Collége de cette ville, & il déposa son manuscript entre les mains de M. Leprevot des marchds. Deux mois aprés, M. D'Alembert académicien de paris sur quelques rapports qui lui ont été faits a prétendu être offensé personnellemt. dans ce discours. Il a écrit à la société Roy. pour lui demander justice publia. ou un certificat de la vérité du fait signé des académiciens. La compagnie s'est trouvé hors d'etat de faire droit sur ces deux demandes. Elle n'a le pouvoir d'exclure de force aucun de ses membres, que dans le cas d'une extrême importance, & avec des preuves suffisantes. Il seroit injuste de la rendre responsable de ce qui se passe au dehors de ses assemblées. Elle ne peut d'ailleurs porter aucun jugement sur la harangue du P. Tolomas, puisqu'elle n'y a point assisté, & que cet ouvrage inconnu aux 3 quarts des académiciens est purement du ressort des colléges. L'acade. néanmoins a répondu à M. d'alembert dans les termes les plus obligeans, qu'ignorant le tort dont il se plaint, elle n'avoit d'autre parti à prendre pour le satisfaire que d'engager le P. Tolomas à lui écrire une lettre de politesse & de désaveu. plusieurs autres lettres ont été jointes à la sienne pour sa justification. Malgré toutes ces précautions, quatre de nos académiciens regardant cette f. 163v affaire d'un autre oeil que la compe. ont donné leur démission, & M. D'alembert poursuit vivement sa demande qu'il accompagne de plaintes & de menaces.
La société Roy. ne se seroit jamais déterminée Mgr, à vous importuner par le détail d'un démêlé qu'elle avoit d'abord jugé peu digne d'attention. Mais, aprenant que le bruit en retentit jusque dans paris même, craignant qu'on ne vous prévienne contre ses procédés, elle n'a pas crû qu'il convînt que vos protégés fussent les derniers à vous informer de ce qui les intéresse.
Agréés donc, Mgr, que la société Roy. réclame la continuation de [votre] faveur & de votre protection dans la vüe de maintenir sa liberté & la tranquillité si nécessaires à ses éxercices. Elle ose espérer que vous accorderez aussi votre approbation à la conduite prudente & modérée qu'elle a tenue dans cette circonstance. Elle touche sous vos auspices à un nouveau [degré] d'illustration. Feu M. Christin son secrétaire lui a fait plusieurs dons [par] son testament, & a fondé le prix annuel d'une médaille d'or en faveur des savans qui voudront concourir au travail proposé & jugé par la société Roy. La place que cette compe. vient de me confier ne me permet pas, Mgr, de vous laisser ignorer ces différents événemens, & je n'ay [point de] fonction plus flateuse à remplir que celle qui me fournit l'occasion d'unir aux voeux, & aux hommages de mes confréres, le témoignage du profond respect avec lequel je suis &c.